Critique : Serena

De Susanne Bier avec Bradley Cooper, Jennifer Lawrence et Rhys Ifans

La note des Cinévores : 0étoile

La pomme ne tombe jamais loin du pommier. Si nous avons attendu trois ans avant de pouvoir (enfin ?) découvrir Serena, c’est sûrement parce que le résultat déploie une médiocrité abasourdissante. Et si Bradley Cooper et Jennifer Lawrence n’en tenaient pas la maigre affiche, le long métrage de Susanne Bier aurait probablement, comme cela a été le cas aux Etats-Unis, échoué à trouver un distributeur sur nos terres. Un temps entre les mains de Darren Aronofsky, qui a bien fait de s’en débarrasser illico presto, ce projet adapté du roman de Ron Rash situe son action à la fin des années 20. Quelque part en Caroline du Nord, George (Cooper) croise le regard de Serena (Lawrence). Ils font un peu de cheval, ce qui permet à Monsieur d’admirer les ondoiements capillaires de Madame. Elle sourit. Et voilà qu’il la demande en mariage. Aussi simple que ça, je vous le jure. Ensemble, ils décident de faire fortune dans le bois. La jeune femme apprend consciencieusement les rudiments du métier – déforestations massives incluses – et s’impose rapidement. Une petite moue par-ci, un coup de hache dans un tronc d’arbre sous les yeux ébahis d’autrui par-là, et voilà qu’elle devient l’égal de l’homme. Bientôt, les zigotos dansent de bonheur sous une pluie de sciures, s’imaginant déjà milliardaires. Seul hic ? Georges a un enfant illégitime avec une femme sans nom. De quoi inviter la jalousie à vicier ce tableau, surtout quand Serena apprend qu’elle ne peut plus procréer ! Pour bien faire vrai – remarque ironique –, la production a décidé de tourner l’intégralité du film en République Tchèque (et notamment dans les fameux studios Barrandov). Il en émane ainsi un décorum factice comme ceux que l’on pourrait trouver à Aventureland dans les parcs Disney. Mais ce n’est pas le plus grave. Oh non. Sans vouloir tirer sur l’ambulance, outre la mise en scène fantomatique de Susanne Bier, incapable de faire décoller son récit au-dessus d’une pâquerette naine, le scénario se révèle d’une bêtise suprême. Les personnages sont en effet écrits à la truelle et leur évolution psychologique est tellement abrupte qu’elle peut causer de douloureuses fêlures de côtes. Derrière les traits lisses de ces deux personnages antipathiques, (l’insipide) Bradley Cooper et (la surévaluée) Jennifer Lawrence livrent deux prestations désastreuses où chaque mimique et chaque geste rivalisent d’exagération (cf., pour ne citer qu’elle, la lèvre inférieure hystérique de la comédienne quand elle pleure). Je préfère, par humanisme, mettre sous silence le rôle de Rhys Ifans. [J'ai envie de vous dire encore tellement de choses négatives mais j'arrête. Je soupire. Et je conclue.] Au final, aucune intention artistique n’atteint son but. L’agacement remplace l’émotion et nous accompagne jusqu’à la fin d’un récit que l’on quitte la tête lourde comme un lendemain de gueule de bois.

Mehdi Omaïs