Il y a quelques semaines, le comédien Joaquin Phoenix était de passage à Paris pour la promotion d’Inherent Vice. Dans cette adaptation du roman Vice Caché de Thomas Pynchon, l’acteur ténébreux retrouve une seconde fois après The Master le cinéaste Paul Thomas Anderson. Il y incarne avec son talent habituel le détective privé (et très high) Doc Sportello. Lequel voit débarquer son ex petite amie, qui lui fait part de la disparition de son amant, un promoteur immobilier. S’ensuit une enquête à la fois nébuleuse et cryptique incluant une organisation appelée le « Croc d’or », des bikers néo-nazis et des dentistes. Très peu porté sur le commentaire et la discussion, Joaquin Phoenix n’est pas à l’aise en entretien. Il est presque fuyant. Dans le cadre d’une table ronde avec des journalistes européens, il peine à trouver ses mots, regarde souvent par terre jusqu’à craquer, entre sourire et lassitude, en nous offrant un moment de sincérité comme les stars hollywoodiennes en donnent peu. « Putain, je me déteste là, tout de suite ! J’en ai assez de ce truc ! Vous êtes super les mecs. Et moi je me déteste, je déteste la manière dont je parle du film. Ça a l’air tellement stupide. J’ai trop de mal avec ça parce que j’accorde vraiment de l’importance et de la sincérité à mon travail d’acteur. Et quand je suis en interview, tout a l’air si stupide. Je suis tellement embarrassé par ce que je dis. Cet exercice est si éloigné de ce que j’aime. Je sais que c’est important. J’apprécie vraiment votre curiosité et l’intérêt que vous portez au film. Mais putain qu’est-ce que je déteste ça ! Ça sonne tellement faux ! J’ai du mal. Je n’aime pas ce sentiment. Je pourrais vous parler tranquillement en off mais il n’y a rien que j’ai vraiment envie de dire publiquement. J’espère que vous comprenez. J’aimerais tant vous donner ce que vous voulez… Écoutez, s’il y a des choses que vous avez envie de me faire dire, je les dirais avec plaisir. Vous avez l’air cool ! » Une tirade qui illustre à elle-seule la personnalité fascinante et libre d’un artiste qu’on n’a pas fini d’aimer.
Mehdi Omaïs
Suivez les Cinévores