Critique : Comme un avion

commeDe Bruno Podalydès avec Bruno Podalydès, Sandrine Kiberlain et Denis Podalydès

La note des Cinévores : 3étoiles

A cinquante piges, Michel tourne en rond. D’abord dans son couple, dont la flamme accuse une baisse de brillance. Mais surtout dans ses aspirations profondes. Longtemps passionné par l’aéropostale, cet infographiste a en effet troqué ses habits de Saint-Exupéry contre un quotidien aussi morose qu’un paysage de brume. Persuadé d’être légataire d’un destin vertigineusement linéaire, il tombe un matin sur des photos de kayak. La révélation opère illico devant cet objet lui évoquant le fuselage des avions qu’il a toujours rêvés de piloter. Poussé par sa femme et mu par un regain de jeunesse, le quinqua réunit vite la panoplie du parfait pagayeur pour entamer un voyage à travers une rivière inconnue. Dans Comme un avion, Bruno Podalydès enfile une double casquette : celle de réalisateur – il signe là son septième long métrage après Liberté Oléron ou Adieu Berthe – et d’acteur. C’est en effet lui qui endosse le rôle de ce héros qui prend la tangente pour rebattre les cartes écornées de son existence. L’occasion d’entrer dans une lumière méritée après avoir loué par le passé le talent de son frère Denis. Lunaire et poétique, son interprétation décentrée du réel est un des points forts d’une œuvre où les personnages secondaires sont tout aussi convaincants. Qu’il s’agisse de Sandrine Kiberlain en épouse solaire, Agnès Jaoui en patronne de guinguette licencieuse ou Pierre Arditi en pêcheur acrimonieux, chaque membre du casting semble heureux de se prêter à cette cure de jouvence. Il faut dire que les décors verdoyants de l’Yonne et du Loiret, qui ont servi de toile de fond au récit, participent beaucoup dans l’ambiance libre et bucolique qui habite le film. Boat-trip initiatique, parabole sur le mythe de l’homme face à la nature, réflexion sur le couple, Comme un avion navigue avec l’aplomb d’un Magellan entre les rives, se moquant des schémas préétablis. Malgré quelques passages à vide, Podalydès poursuit avec élégance son exploration de la périphérie, se désaxant une nouvelle fois des grandes villes, pour célébrer la lisière, la ruralité et le chant harmonieux d’une nature salvatrice. Embarquement immédiat.

Mehdi Omaïs