Interview : Patrick Bruel a choisi Le prénom !

Le Prénom : Photo Patrick BruelAprès avoir foulé les planches pendant près d’un an dans la peau du personnage de Vincent dans Le Prénom, l’acteur et chanteur Patrick Bruel remet ça sur grand écran devant la caméra de Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, auteurs de ladite pièce. Dans une atmosphère délicieusement tendue, il y incarne un homme charismatique et insolent, sur le point d’être père. En annonçant à sa sœur (Valérie Benguigui) et son beau-frère (Charles Berling) le prénom du futur rejeton, il provoque un cataclysme. A l’occasion de la sortie de cette comédie enlevée, Bruel a accepté de répondre à mes questions et de revenir sur cette expérience de cinéma qui l’a particulièrement emballé.  

Le prénom vous aurait amené là où vous aviez toujours voulu aller. Vrai ?

Oui. Vers la comédie intelligente, irrésistible. Avec des personnages aux multiples facettes et la possibilité d’explorer une large palette d’émotions. J’ai adoré aller à la rencontre de mon personnage qui est à la fois drôle, violent, meurtri, touché, agressif, sonné, cynique, idiot et très intelligent. Ce film est formidable à jouer, à défendre et à voir. Je l’adore. J’ai beaucoup ri avec le public lors des avant-premières que nous avons faites.

En lisant la pièce, avez-vous entrevu son potentiel cinématographique ?

Je me suis fait avoir et baladé quand j’ai lu la pièce, qui a d’ailleurs connu un triomphe pendant un an au théâtre. J’ai ri comme un malade et su, après 12 pages seulement, qu’on pouvait en tirer un super film. Quand j’ai terminé la lecture, je me souviens d’avoir appelé Bernard Murat et lui avoir dit : « Je suis fou ou c’est énorme ? ».

Le Prénom Redoutiez-vous le passage des planches au cinéma ?

Rien n’est vraiment difficile avec un texte, une équipe et un climat de travail pareils. La seule appréhension était que le film soit à la hauteur de la pièce. Et la barre était élevée ! On sait tous qu’une bonne pièce ne fait pas forcément un bon film. Quand Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, les géniaux auteurs de la pièce, ont été choisis pour le mettre en scène, ça m’a rassuré. Je me suis dit qu’ils n’allaient pas chercher à faire un film différent de leur pièce mais à la sublimer en gardant la quintessence du texte. Pour ma part, jamais je n’avais su un texte aussi bien que celui-ci. Je pouvais le dire à l’envers, à l’endroit, en allant aux toilettes, partout… Pour Charles Berling (remplaçant de Jean-Michel Dupuis, ndlr), ça a été un peu plus compliqué même s’il s’en est très bien acquitté.

Était-ce difficile de retrouver la tonalité du théâtre avec le dispositif du cinéma et ses multiples prises ?

C’est la plus grande difficulté. C’est pour ça que le cinéma est plus dur que le théâtre car, passé le trac, on déroule son texte sur deux petites heures. Là, ça dure onze semaines et il faut garder la même tête, la même coupe de cheveux, les mêmes habits, la même énergie, la même émotion. J’avais dit aux auteurs que ça allait être compliqué de trouver le ton du film et leur ai proposé au moins cinq attitudes possibles pour chaque réplique. Vous savez, je connaissais le personnage par cœur pour l’avoir répété 243 fois. Et à chaque fois, j’ai changé les choses. J’ai toujours fait le même texte, mais jamais la même chose. Mes partenaires pourront vous le dire. Un soir, je l’ai fait naïf, presque débile. Les gens étaient morts de rire. Un autre, super arrogant voire insupportable.

Comment le percevez-vous, finalement ?

C’est un type qui a nourri un complexe dès l’enfance sur les études et la culture. Il a réussi financièrement. Il est plutôt pas mal, marrant, sympa, à l’aise et on l’excuse pour tout. Du coup, il croit que tout lui est permis. En revanche, sur la forme, il n’a pas de limite. La différence entre lui et moi ? Ce n’est pas un artiste. Je suis allé vers lui avec plaisir en lui apportant du charme et de la candeur au risque de le rendre trop odieux. Face à lui, son meilleur pote Pierre est brillant, cultivé, respecté. Je connais par cœur ce genre de personne. C’est exactement ma famille, mes oncles et tantes enseignants de gauche, avec qui j’ai grandi. C’est mon bord, ma famille politique. Mon personnage s’apparente davantage à mon beau-père qui, aussi cultivé qu’il soit, est arrivé dans la famille en provocateur.

On vous sent très à l’aise dans ce rôle, comme jamais. Vous n’avez pas eu peur d’y aller à fond…Le Prénom

Je n’ai jamais eu peur de me cogner. J’ai toujours demandé aux metteurs en scène de m’utiliser, de me pousser, de me demander certaines clés. Je me suis utilisé. Ce personnage, je le connais sur le bout des doigts et suis arrivé sur le tournage avec des solutions. Et une référence : Guitry. Personne n’a fait le saut du théâtre au cinéma aussi bien que lui. Ses films sont des merveilles de simplicité, de modernité et d’épure. Pas d’effets ni de scories. Il ne bouge pas de son texte, qu’il a répété jusqu’à l’avoir dans le sang. Du coup, quand il joue, son ADN envoie tout ce qui a été intériorisé. Plus de besoin de surjouer. Il est le personnage et le joue en retrouvant l’esprit de la première lecture.

C’est votre personnage qui révèle Le prénom et jette la discorde dans le film. Est-ce que vous pourriez faire ce genre de plaisanterie dans la vie ?

Ah oui ! C’est un enfant Vincent à côté de moi (rires).

A ce propos, comment avez-vous choisi les prénoms de vos fils ?

Avec Amanda (Sthers, son ex femme, ndlr). Nous avions trois règles : 1. Être complètement d’accord sur le prénom. 2. Qu’il ne suscite pas de diminutif car je déteste ça. 3. Une fois trouvé, on ferme sa gueule. J’avais dit ça à l’époque. Et quand je vois ce film, je me dis « Qu’est-ce que j’ai eu raison ! » (rires).

Vous parlez beaucoup de mise en scène. C’est quelque chose que vous aimeriez faire ?

C’est une question de temps et d’investissement. Un film prend deux ans minimum d’une vie entre l’écriture, le montage financier, la réalisation… S’il n’y a pas d’urgence et quelque chose de vital à raconter, je m’abstiens. Ceci dit, je pourrais tout de suit faire film de commande sachant que j’ai réalisé et monté la moitié de mes clips. Mais j’attends.

Un album prévu ?

Oui, pour l’automne avec la sortie possible d’un single un peu avant. Mais on en reparlera en temps voulu.

Propos recueillis par Mehdi Omaïs