Interview : David Ayer, un cinéaste en Fury !

ayerEn 2001, le nom de David Ayer fait son entrée dans tous les agendas des producteurs américains après qu’il a signé le scénario de Training Day. Aujourd’hui, l’américain de 46 ans est devenu un cinéaste accompli, connu pour ses films 100% testostérone comme Bad Times ou End of Watch. Cette année, en dirigeant Brad Pitt, Logan Lerman et Shia LaBeouf dans Fury, il gravit un nouveau palier dans sa carrière. Depuis les bureaux de l’hôtel des Invalides, il revient sur cet incroyable récit de cinq soldats américains prisonniers de leur tank et de l’horreur de la Seconde guerre mondiale.

Vous vous êtes fait connaître grâce à des œuvres tournées vers l’action. Quand on passe à un film de guerre, l’appréhension du projet est-elle la même ?

La police et les militaires partagent une culture commune. Ce sont des hommes qui risquent leur vie au quotidien et qui doivent parfois avoir recours à la violence. Ils font ça pour protéger la société, le quartier ou la nation entière. Mais pour revenir au cadre du cinéma, plus l’action est importante, plus c’est difficile à tourner. Il faut faire attention aux nombreux détails, avoir plus de caméras, plus de prises… Une fusillade de police est très difficile à tourner. Imaginez donc une bataille de tanks… C’est un truc de fou ! (rires) Fou !

Fury : Photo Brad Pitt, Jon Bernthal, Logan Lerman, Michael Peña, Shia LaBeoufBeaucoup de films se sont intéressés à la Seconde guerre mondiale. Que vouliez-vous raconter plus spécifiquement et singulièrement avec Fury ?

Disons que de nombreux films étudient une bataille ou un événement historique connu. Je voulais personnellement faire quelque chose sur la famille, sur les frères de guerre, sur les effets du conflit. Les hommes que l’on appelle héros ont souvent en eux des doutes, de la honte, de la tristesse… Ils sont érigés en héros par la société et pourtant déchirés de l’intérieur, remplis de doutes, de honte, de tristesse… Ils reviennent chez eux avec une part d’ombre que je voulais précisément ausculter. Mon but était de donner des traits à ces noirceurs.

Comment êtes-vous parvenu à obtenir des scènes de combats de tanks aussi réussies ?

C’est le résultat d’une longue planification, de beaucoup de chorégraphies, de la présence de plusieurs véhicules équipés de caméras qui peuvent multiplier les angles. On a dû tourner les scènes dont vous parlez très vite, autour de quatre jours. Une mission presque impossible. J’avais à ma disposition un story-board très précis. C’était presque comme un comics. Il fallait être intelligent et réfléchir constamment sur le plateau. Où poser la caméra ? Cette question était très stressante pour moi car une mauvaise décision pouvait tout fiche en l’air. En plus, je ne suis pas un réalisateur patient (rires). Je suis toujours très tendu et j’aime aller de l’avant. J’ai dû tous les rendre fous.

Fury : Photo Brad PittQuand on monte un tel projet, est-ce que le nom de Brad Pitt est décisif ?

Oui. Le projet a reçu le feu vert avant l’accord de Brad. Mais quand il est arrivé, il nous a aidés à avoir encore plus de ressources. Son nom en a fait un plus gros projet. Mais ce qui est vraiment important, c’est lui en tant qu’homme et acteur. C’est un comédien incroyable, un des meilleurs. (Réflexion) Nous ne sommes pas dans un de ces films typiquement américains où tout est expliqué. On ne parle pas du background des personnages par exemple. Pourtant, l’histoire du soldat incarné par Brad est inscrite sur sa figure, dans ses yeux. C’est la chose la plus difficile pour un acteur. Sa performance est forte et très différente de ce qu’on voit d’habitude. (Nouvelle réflexion) Ces hommes sont tellement brisés par la guerre qu’il n’y a plus de maison qui les attend.

Il y a vraiment une volonté claire de votre part consistant à montrer, sans détour, les horreurs de la guerre…

La mythologie de la guerre rend les choses plus faciles et plus propres. Toutes les guerres sont sales. Dans la marine on dit que la meilleure manière de se battre, c’est quand quatre types tirent sur le dos d’un seul homme. C’est plus prudent. Les choses que ces hommes vivent sont toxiques pour le cœur et l’esprit. Le film se déroule sur une journée et on voit comment Norman (Logan Lerman) change au point de ne plus redevenir lui-même. La guerre le détruit physiquement et moralement.

A quel point l’histoire que vous racontez est vraie ?

Fury est au final un conglomérat de petits événements, d’anecdotes de vétérans, d’histoires venant de reportages militaires ou d’articles du Time… Un puzzle où chaque pièce est vraie.

Fury : Photo Shia LaBeoufIl parait que Shia LaBeouf ne se douchait pas pendant le tournage et qu’il s’est pété une dent…

Personne ne s’est douché… (rires) Shia est un vrai acteur qui a décidé de se bruler publiquement, de détruire son passé pour montrer qui il est vraiment. Je l’adore. Je n’ai pas vu Nymphomaniac cela dit car je ne voulais pas le voir nu (rires). Il s’est vachement investi, a passé du temps dans les chapelles militaires car son personnage est très pieux. Il a parlé à beaucoup de gens. Il met toute la douleur du monde dans ses yeux. Il est impressionnant sans rien dire.

Et Logan, qui est le héros du film…

C’était mon premier et seul choix. Je l’ai rencontré et le courant est passé. Il a lu deux trois scènes et j’ai su que c’était lui. C’est un genre de rôle qu’on pourrait détester, un personnage tête à claque, surtout pour le public américain. Car l’innocent est souvent comme une caricature de l’innocence et pas une vraie personne. Logan a apporté une crédibilité au personnage. On y croit.

Trouvez-vous qu’avant les hommes étaient plus courageux ?

Non. Il y a une étude qui a été faite sur la Seconde guerre mondiale stipulant que seul un minuscule pourcentage de soldats se disait capable de tirer sur un être humain. Les hommes interrogés disaient qu’ils rateraient la cible intentionnellement. C’était trop antisocial pour eux, contre la décence et leur éducation. Ces gens ont fait des choses courageuses comme d’autres personnes à des époques différentes. Je pense à l’Irak, au Vietnam ou à l’Afghanistan.  

Propos recueillis et traduits de l’anglais par Mehdi Omaïs

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