Critique : La isla minima

De Alberto Rodriguez avec Raúl Arévalo, Javier Gutiérrez et Antonio de la Torre

La note des Cinévores : 3étoiles

Véritable phénomène critique et public en territoire ibérique, où il ne cesse d’accumuler les prix, le polar Marshland – rebaptisé La isla minima pour sa sortie en salles le 15 juillet prochain – a définitivement propulsé Alberto Rodriguez dans les très hautes sphères du cinéma européen. Après Les 7 vierges et Groupe d’Elite, l’intéressé plante avec maestria les griffes du polar dans les plaies encore béantes de l’Espagne post-franquiste. C’est dans une petite ville andalouse, aux paysages cinégéniques et désolés, que le réalisateur déploie son intrigue. Laquelle s’articule autour d’une enquête menée par deux flics pour retrouver, au cœur des années 1980, celui qui a sauvagement assassiné des adolescentes pendant les fêtes locales. Contrairement à la grande majorité des polars, l’intérêt du long métrage en question ne réside absolument pas dans la découverte de l’identité du meurtrier. Cette donnée n’est qu’un lointain prétexte à une exploration, par le cinéma de genre, d’un pays en pleine déréliction. Le choix des lieux de tournage, évoquant clairement la moiteur asphyxiante et envoûtante du bayou de Louisiane, n’est d’ailleurs pas un hasard. La beauté sèche des panoramas andalous fusionne en effet à merveille avec le visage languide d’une population occupée à recompter ses démons. A condition de s’y perdre et d’accepter sa trame (pas si) conventionnelle, La isla minima porte l’empreinte d’un vrai choc formel. Il gagne en épaisseur et en majesté à mesure que le spectateur effleure avec terreur le fantôme du franquisme. Car, en filigrane, c’est bien de ça dont il s’agit : creuser dans cette période de traumatismes qui a produit des êtres mutiques, marqués, errant dans une terre de l’absurde, du secret et du silence. Un no man’s land spectral chaperonné par des bâtisses menaçantes et des voitures aux allures de Christine. Au final, on en ressort avec cette (dés)agréable impression d’avoir fait un cauchemar fantasmatique, dans lequel dansent les ombres de True Detective, Truman Capote, Cormack McCarthy et Angel Heart.

Mehdi Omaïs

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