Interview : Marjane Satrapi entend des Voices !

marjaneINTERVIEW – Après Persépolis, Poulet aux prunes et La bande des Jotas, la cinéaste Marjane Satrapi a posé ses valises Outre Atlantique pour réaliser The Voices. Soit le récit jubilatoire d’un « gentil » tueur en série, incarné par Ryan Reynolds, qui parle à ses deux animaux domestiques.

 

 

Est-ce la première fois que les américains vous proposent de réaliser un film ?

Non… On m’avait suggéré de mettre en scène Maléfique avec Angelina Jolie. Mais ce monde de ténèbres, ses dragons et je ne sais pas quoi… Ce n’est pas pour moi. Je ne paierai pas 10€ pour aller voir ça au cinéma. The Voices est un projet indépendant. J’avais la liberté de faire ce que je veux. Et le budget était faible. Aux alentours de 9 millions d’euros, l’équivalent d’une petite comédie en France.

Selon vous, pourquoi avez-vous été le choix final ?

Ils ont approché quatre personnes, dont trois messieurs qui avaient déjà fait des thrillers. J’ai tout de suite remis en question le scénario et proposé des modifications. Je crois que ça les a séduits. A la base, il faisait 130 pages, l’équivalent de plus de 2h20. Ce qui est injustifié pour l’histoire qu’on voulait raconter. Les meurtres étaient par exemple très explicites, avec tous ces corps découpés. Comme je ne voulais surtout pas verser dans le voyeurisme et la complaisance, j’ai imaginé ce mur de tupperwares dans lesquels le personnage principal range les morceaux de ses victimes. Ça devient drôle.

The Voices : Photo Ryan ReynoldsOn sent que vous aimez beaucoup votre personnage principal…

Je l’adore parce qu’il est gentil ! Au début du film, il dit à son psy : « Je veux être quelqu’un de bien au sein de ma communauté ». Il ne parle ni du monde, ni de la société, mais simplement de Milton, sa petite ville de 5000 personnes. Il n’a pas d’ambition. Il veut juste faire de son mieux. C’est le serial-killer le plus gentil de l’histoire du cinéma. On a de la sympathie pour lui car les drames arrivent malgré lui. Pourquoi les femmes vont vers lui ?

Ryan Reynolds incarne ce personnage hors du commun. Couillu comme choix, non ?

Le problème, c’est qu’il souffre du même syndrome que les belles femmes : « Elle est belle donc elle est bête ». On veut le mettre dans une case. En gros, il est grand, mannequin, il est en couple avec Blake Lively… Tout ça fait que pour certains, il est trop beau pour être intelligent. Alors qu’en réalité, il s’agit d’un garçon brillant. Travailler avec lui, c’est du pain béni ! Il ne vous emmerde jamais, il propose, refait les scènes à volonté, multiplie les idées, improvise… Les blagues les plus drôles du film, c’est lui ! Il peut tout jouer. Dans Buried, il est génial. Même dans les comédies romantiques ou dans Green Lantern, qui est pourri, il arrive à s’en sortir avec les honneurs.

The Voices : Photo Ryan ReynoldsVous brisez totalement son statut de sex-symbol…

Oui ! Je voulais qu’il soit mal habillé, avec ce téléphone portable accroché à son pantalon taille haute. Son personnage est resté bloqué dans son enfance. Ses vêtements sont larges parce qu’il était hors de question de mettre en avant ses muscles. Ryan en était vraiment ravi ! Il fallait par ailleurs qu’il ait une tête de gosse. Vous remarquerez que son personnage ne pense jamais à une possible vie sexuelle. Il est seul avec lui-même et ses délires psychotiques.

Est-ce que, comme lui, vous êtes souvent tiraillée entre le bien et le mal ?

Tout le monde est comme ça ! Après, est-ce que tout le monde entend son chien et son chat parler ? C’est une autre question… Vous n’avez jamais eu envie de tuer des gens ? Moi, chaque jour, j’ai envie de tuer quelqu’un, si ce n’est six ou sept personnes… Il y a plein de choses qui me donnent des envies de meurtre : les pots d’échappement troués, le mec qui marche lentement devant moi parce qu’il tape un SMS, la dame qui traîne à la caisse d’un magasin, celui qui s’assoit à côté ou devant toi au cinéma alors que la salle est vide… Évidemment, je ne passe jamais à l’acte (rires) ! Je déteste le manque de civisme des gens.

The Voices : Photo Ryan ReynoldsDans The Voices, le héros est entouré d’un chien raisonnable et d’un chat pousse-au-crime. Comment avez-vous choisi ces animaux exceptionnels ?

Comme pour les acteurs, il y a eu un casting. On a trouvé ce gentil chien, qui a de la compassion plein les yeux. Il est hyper sentimental ! Si vous êtes sympa avec lui et que vous le caressez plus d’une minute, il bande. Il fallait d’ailleurs faire attention avec la caméra pour ne pas montrer sa quéquette. Mais à côté de ça, c’est un super acteur… Quant au chat, il est top ! Les matous ont plein de neurones mais il vous emmerde. C’est quand ils veulent et s’ils le veulent… Je voulais donner du Lexomil à mon chat, Monsieur Moustache, mais les américains ont hurlé : « On ne drogue pas les chats ! » Je leur ai dit que moi aussi j’en prenais.

Vous aimeriez parler à vos animaux ?

Mais bien sûr ! On se projette sur eux. Je suis certaine que la première chose que mon chat me dirait est : « Va te faire foutre, Marjane ! ».

 

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