Interview : Ryan Gosling plonge dans sa Lost River !

Un peu moins d’un an après sa présentation remarquée au Festival de Cannes, Lost River, le premier long métrage réalisé par Ryan Gosling, sort en salles ce mercredi. L’acteur canadien, intronisé sex-symbol depuis Drive, nous livre les coulisses de ce projet personnel et très prometteur. Lequel se décline comme un agréable cauchemar où il fait bon se perdre.

 

La ville de Detroit est-elle le point de départ de votre film ?

L’idée est partie de là, oui. Je suis du Canada. Comme beaucoup d’enfants, j’ai grandi en assimilant les Etats-Unis à une pin-up enfermée dans mon placard. J’avais une attirance folle pour ce pays. Detroit était à la fois proche et loin de moi. C’était cet endroit incroyable qui a vu la naissance de la Motown, de la classe moyenne… Elle cristallisait en quelque sorte le rêve américain. Quand je l’ai visitée plus tard, elle ne correspondait plus à mes attentes. Des rues entières n’étaient pas éclairées, des bâtisses étaient à l’abandon, sans eau ou brûlées… J’y ai croisé des gens qui galèrent, des familles qui s’accrochent pour garder leur boulot et se nourrir…

Lost River : Photo Iain De CaesteckerUn peu comme celle que vous filmez dans Lost River…

Oui… Je voulais parler de ces personnes-là, dont le rêve s’était transformé en cauchemar. Pour autant, l’action ne se situe pas à Detroit mais dans une ville fictive. Ce choix confère une dimension universelle à ce que les héros traversent. C’est aussi pour ça que j’ai voulu raconter leur quotidien sous la forme d’un conte de fée. Pour que ça parle à tout le monde…

Il y a de la tristesse, de la mélancolie, de la nostalgie dans votre film… Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de vous exprimer sur des sentiments aussi forts ?

Parce que c’était déchirant de voir des gens si désemparés. Des gens qui aimaient comment c’était avant et qui attendent en vain que les choses le redeviennent… (Réflexion) J’espère, au-delà de ce que vous dites, que le public y décèlera aussi une notion d’espoir. Il y a par ailleurs de la romance, des éléments mystiques, de la couleur, de la texture pour que l’ensemble ne soit pas trop lourd, ou déprimant.

Lost River : Photo Iain De CaesteckerCe monde sous l’eau que découvre le héros, que représente-t-il pour vous ?

J’ai passé environ un an avec une caméra pour filmer ces lieux de désolation. Seul. J’avais peur que tout soit détruit. Je voulais me rappeler de ce décor et je ne pouvais pas attendre d’avoir l’argent pour y consacrer un film. Je me souviens qu’il y avait dans certaines maisons des habits dans les armoires ou des battes de base-ball dans des encoignures. C’était comme si tout le monde avait disparu, comme le squelette du Titanic… Tout ça a réveillé un souvenir de mon enfance. Quand j’étais petit, j’ai découvert une route qui menait droit à un fleuve dans lequel j’ai nagé. Jusqu’à aujourd’hui, m’être baigné dans ces eaux-là me hante. Il parait qu’elles abritaient des villes englouties et que certains corps n’avaient pas pu être délogés des cimetières.

C’est donc un film très personnel…

Oui… On trouve plein de choses qui m’effrayaient quand j’étais gosse. Il y a beaucoup de moi… Ne serait-ce que dans le fait d’avoir travaillé avec des personnes que je considère comme une famille. J’ai déjà travaillé avec toutes les membres de l’équipe technique et je les admire. J’adore aussi mes acteurs. Ils ont un talent fou. D’autre part, la thématique du film m’est chère : celle d’une famille qui se serre les coudes et qui essaye de survivre. Il y a beaucoup de mon enfance dans ce film et cela m’a rendu nostalgique pendant le tournage.

Lost River : Photo Ryan GoslingQuelle est votre sensibilité de cinéaste ?

(sourire) Mon style est influencé par tous ces films avec lesquels j’ai grandi, ceux qui m’ont vraiment fait aimer le cinéma. Les Goonies, ET, Brisby ou le secret de Nimh, les Gremlins, Miracle sur la 8ème rue ou Howard the Duck… C’était des films pour enfants un peu noir… Il y a aussi Videodrome de Cronenberg. Ma sensibilité a été affectée par toutes ces œuvres-là. Les années 1980 ont constitué une période étrange pour les films. C’était l’ère des VHS. Ils faisaient partie de nous.

Vous êtes devenu un sex-symbol en peu d’années. Est-ce que faire Lost River, c’est aussi une façon de tuer votre image?

(rires) Non, ça serait vraiment trop de boulot pour juste ça… J’avais simplement envie de raconter et de partager cette histoire. Et j’aimerais continuer à réaliser…

Avec quels cinéastes français aimeriez-vous travailler ?

Il y en a plusieurs… Gaspar Noé, Romain Gavras, Luc Besson, Jacques Audiard…

Propos recueillis par Mehdi Omaïs

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