Trois après le carton retentissant d’Intouchables, Omar Sy retrouve les réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache pour Samba. Aux côtés de Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim et Izia Higelin, ce dernier y incarne un sans-papiers sénégalais se battant pour sa régularisation. C’est dans un palace parisien qu’il nous accueille avec un large sourire pour évoquer cette expérience qui confirme son don pour le jeu.
Retrouver Eric Toledano et Olivier Nakache, c’est un peu comme rentrer chez soi, non ?
Il y a un peu de ça, oui. C’est vrai que c’est avec eux que j’ai commencé et que j’ai appris tout un tas de choses. Ils m’ont toujours demandé plus et poussé à aller au-delà de ce que je savais faire. Relever des défis avec eux, c’est plus simple parce que je me sens en confiance et que j’ai envie de donner le maximum.
Vous vous connaissez depuis très longtemps maintenant. Comment définirais-tu vos rapports ?
Ils ont prouvé qu’ils étaient là pour moi. Il y a de la fraternité dans ce qu’on partage. Ce sont des mecs bienveillants qui m’ont donné cette confiance en moi. Nous avons aussi une sensibilité commune. On se reconnait, on a envie d’aller dans le même sens. Avec le temps, ça s’amplifie.
As-tu ressenti une pression supplémentaire en faisant Samba ? Aviez-vous l’impression d’être attendus au tournant après Intouchables ?
On n’a pas tenu compte de l’après Intouchables. Pendant le tournage, on n’y pensait pas. Pour nous, c’était juste un nouveau film ensemble. On a choisi un sujet fort et proposé autre chose. Eric et Olivier sont allés ailleurs et ont montré que ce fameux tournant n’était pas là. Quel que soit le score final d’Intouchables, on aurait sûrement fait ce film. Quant à la pression, elle est là pour chaque projet. Elle n’était pas plus grande sur Samba, finalement.
Quelle a été ta réaction en découvrant le personnage de Samba ?
Il est assez parlant et touchant mais, en même temps, pas simple à jouer pour moi. Il a l’air près mais il est en réalité loin dans ce qu’il est, dans sa manière d’être, dans ce qu’il vit. On a la même base, la culture du Sénégal, que je connais. Mais après, ce qu’il vit en France, ses peurs, sa résistance, ses doutes… ça, je ne l’ai pas. Il fallait me mettre dans cette peau-là. (Réflexion) J’essaye de mettre de l’émotion dans tout ce que je fais même si je n’ai pas la technique. Je suis un acteur sans formation. Je ne connais pas vraiment le processus. Je fais les choses comme je peux. Ce rôle ne reposait pas sur le naturel et sur ce que je suis. Il nécessitait une posture, un accent…
Justement. Parlons de l’accent… C’est un exercice casse-gueule parce qu’il ne faut pas sombrer dans l’exagération…
Exactement. Il ne fallait pas tomber dans la caricature. Je devais le réduire pour le rendre crédible… Eric et Olivier m’ont aidé à trouver cette note. C’est un exercice qui demande de la concentration. Parfois l’accent partait puis il revenait. On a travaillé sur sa constance.
As-tu rencontré des sans-papiers pour préparer le rôle ?
Je suis allé voir certaines personnes qui n’ont pas de papiers, oui. J’ai eu des conversations avec elles. Au-delà, ce qui m’aide chez Eric et Olivier, c’est qu’ils mettent des choses réelles autour de moi pour que je me plonge dans le rôle. Comme le centre de rétention par exemple…
On parle souvent de l’immigration de manière négative. Pour toi, que symbolise-t-elle ?
Ça fait partie de notre société aujourd’hui. C’est quelque chose qui n’a pas été réglé. Les gens ne trouvent pas de solution. C’est pareil dans le monde entier. Il n’y a pas la solution à ça. Moi je ne l’ai pas. En racontant l’histoire de ces gens, le film peut éventuellement aider à la discussion.
Samba est un travailleur volontaire qui rompt avec le cliché permanent de l’immigré voulant profiter du système…
Oui, on montre que c’est un homme volontaire, qui a envie de faire des choses, qui travaille et qui est prêt à effectuer les tâches ingrates de la société. Des travaux dont personne ne veut.
Es-tu pour la légalisation des sans-papiers ?
C’est une question délicate. Je n’ai pas envie de parler de ça parce que ce n’est pas mon rôle de le faire. Je n’ai pas les outils pour argumenter sur ce sujet. J’ai mon émotion, mon ressenti mais aujourd’hui, me lancer dans ce débat sans avoir quelque chose pour aider… C’est à chacun de se faire son propre avis après avoir vu le film.
Trouver sa propre identité dans un monde qui demande toujours des comptes, est-ce quelque chose qui a été compliqué pour toi ?
Il y a ce truc, bien sûr… On essaye toujours de compartimenter les gens ou les limiter à une partie de ce qu’ils sont. Je viens de banlieue par exemple, donc on m’y rattache souvent. Comme je suis Noir, dès qu’il y a une question liée à ça… (Réflexion) Je suis un mélange de plein de choses. Il ne faut pas limiter ou réduire les gens à des cases.
Un mot sur Charlotte Gainsbourg, ta partenaire à l’écran ?
Elle m’a beaucoup aidé. Quand on est en face d’elle, même si on est impressionné, elle met à l’aise. Elle avait vraiment envie de tout donner sur ce film.
C’est ta première vraie histoire d’amour romantique au cinéma. Pas trop dur pour quelqu’un d’aussi pudique ?
C’est compliqué (rires). On prend sur soi et à un moment donné on fait ce qu’on a à faire. Cela dit, ça participe à l’histoire et à la maladresse des personnages. Ça les rend attachants.
Comment ça se passe les États-Unis (l’acteur y vit désormais, ndlr) ?
J’y suis depuis deux ans et, honnêtement, j’ai fait beaucoup d’aller-retour donc je ne n’y ai pas assez vécu.
Qu’est-ce que tu y trouves qu’il n’y a pas en France ?
Ce sentiment d’être un peu en vacances et de sentir mon entourage heureux. Heureux quand je suis là ou pas là. Je m’y sens bien pour l’instant. Ça peut changer. Dans deux ans, je peux revenir mais pour l’instant ça va.
Devenir un acteur à Hollywood, c’est un accident ou une fin en soi ?
Un peu comme le reste. Les choses sont arrivées comme ça, on me propose des choses différentes et j’ai envie d’essayer. Il y a un côté sympathique et rigolo à faire X Men. Sur le tournage, il y avait des fonds verts avec une balle de tennis comme partenaire (rires). Tout ça me permet de progresser, de gagner en technique.
Un mort sur Jurassic World ? As-tu le droit d’en parler ?
Je ne sais pas ce que je peux dire. C’est très compliqué leur système (rires). On sait très peu de choses.
Propos recueillis par Mehdi Omaïs
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