De Vincent Garenq avec Gilles Lellouche, Charles Berling et Laurent Capelluto
Contrairement au cinéma américain ou moyen-oriental, la France semble avoir beaucoup de mal à raconter son histoire à court terme, à la débroussailler. Notre industrie préfère trop souvent miser ses billes, avec une prudence irritante, sur les comédies à têtes de gondole. Dans ce contexte quelque peu sclérosant, L’Enquête de Vincent Garenq fait office de rebelle. Il s’agit là d’une œuvre dont l’ambition méritoire contrevient aux productions actuelles, calibrées, surgelées et servies sans risque. Bien que la forme et le propos soient classiques, on y décèle en effet la volonté honorable de raconter la réalité financière du monde et ses sombres collusions par le biais du divertissement.
Après s’être frotté au procès d’Outreau dans Présumé Coupable, Garenq s’attaque cette fois au scandale politico-financier Clearstream et à ses rouages vertigineux. C’est à travers le regard de Denis Robert, le journaliste qui provoqua un tollé en 2001 en dévoilant les activités de la société bancaire luxembourgeoise (spécialisée dans l’échange de titres), qu’est dévoilé graduellement l’imbroglio tentaculaire que l’on connait. Ou plutôt que l’on croit connaître… Le commun des mortels a forcément eu oui dire de ce récit ultra médiatisé mais qui pourrait expliquer précisément le pourquoi du comment ? Une poignée d’avertis aguerris, à tout casser.
Motivé par cette opacité qui échappe à tout un chacun (et peut-être aux banquiers eux-mêmes), le réalisateur fait de sa caméra une torche. Laquelle tente de mettre de la lumière là où les portes sont cadenassées et fermées à triple tour. Là où personne n’ose enquêter, commenter ou menacer. L’Enquête fait justement du doigt dans l’engrenage et de ses répercussions astronomiques son fer de lance. S’il n’explicite pas tous les mystères d’une affaire dense comme le monde, le long métrage réveille de nouveau les consciences sur une société où la confiance est torturée, où des entités motivées par le profit tirent les ficelles comme on anime des marionnettes. Parallèlement, la dimension humaine (David contre Goliath) du labeur n’est jamais sacrifiée. Bien au contraire.
Pris dans ce maëlstrom incluant une multinationale, des banques, des avocats, des juges, des huissiers, des policiers, des marchands d’armes français et de deux candidats à l’élection présidentielle (Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin), Gilles Lellouche incarne avec engagement la sidération que l’on éprouve devant ces réalités multiples, composant elles-mêmes une cartographie de la déréliction ambiante. On saluera par ailleurs le travail titanesque entrepris à l’écriture (quelques cheveux ont du se perdre pour restituer l’essentiel) et au montage (l’ordonnancement des scènes rend le tout très digeste). Sans pour autant exceller, le long métrage, au même titre que l’enquête de Denis Robert, est passionnante, sérieux, sincère et d’utilité publique.
Mehdi Omaïs
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