De David Ayer avec Brad Pitt, Logan Lerman et Shia LaBeouf
Entre les polars urbains et les films de guerre, il n’y a qu’un pas. En tout cas pour le cinéaste américain David Ayer. Devenu une valeur sûre à Hollywood après avoir signé le scénario de Training Day, ce dernier est passé derrière la caméra à partir de 2005 pour coller de la testostérone sur pellicule (Bad Times, End of Watch…). Fury, son dernier long métrage, suit cette exacte lignée puisqu’il s’intéresse au sort de courageux soldat témoins de l’horreur de la guerre (39-45). Puzzle historique dont chaque pièce s’inspire de faits réels, ce projet doté d’un budget 80 millions de dollars se démarque plutôt efficacement du tout-venant. Tandis qu’une fournée de films s’est en effet penchée sur la Seconde Guerre Mondiale pour chanter à tue-tête le refrain du patriotisme amerloque, avec option drapeau flottant et fanfare inspirée, Fury se désolidarise dès ses premières images de ces réflexes de Pavlov. Ici, la caméra suit les soldats les pieds dans la boue et évite d’aseptiser la cruauté des faits. A l’instar de cette séquence où Norman (Logan Lerman), jeune recrue candide, visite le tank des héros et tombe nez-à-nez avec une lamelle de visage humain. C’est justement à travers les yeux vierges de l’innocence que le spectateur va embarquer à bord de la machinerie militaire aux côtés de quatre hommes expérimentés : Don Collier, le chef de la bande (Brad Pitt) ; Boyd Swan, le soldat pieux (Shia LaBeouf) ; Grady Travis, le rustre de service (Jon Bernthal) ; Trini Garcia, qui manie le sniper avec précision (Michael Pena). S’il vous semble avoir déjà croisé ces personnages archétypaux des centaines de fois sur grand écran, notez toutefois que la mise en image de leurs périlleuses missions est inédite. Surtout quand il est question d’impressionnants combats de chars, superbement chorégraphiés, qui donnent le tournis (surtout aux claustros). Broyant toute saillie émotionnelle et autre pleurnicherie mièvre, Ayer filme son récit boueux avec ses cojones en se focalisant, contre vents et marées, sur son seul cap : faire humer au spectateur les effluences de chairs et de cramé. Qui gagne ? Qui perd ? Finalement, on s’en moque comme de l’an quarante. On suit simplement ces hommes avec la peur au ventre, sans être parasités par un manichéisme scolaire. On craint pour leur vie. On tremble avec eux… Et même si, au final, le but est de nous faire comprendre une énième fois que la guerre c’est mal, une mise en situation est toujours la bienvenue pour nous le rappeler.
Mehdi Omaïs
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