De Alejandro González Iñárritu avec Michael Keaton, Edward Norton et Emma Stone
Après Mickey Rourke dans The Wrestler (2009), Michael Keaton est le nouveau phénix qui renaît de ses cendres hollywoodiennes. Catapulté au rang de superstar à la fin des années 1980 grâce à son rôle de Batman, le comédien américain est redescendu de son piédestal au fil des années, devenant un regrettable has been. Exactement comme Riggan Thomson, son personnage dans Birdman, ex gloire du film de superhéros qui monte une pièce de Raymond Carver à Broadway pour redorer son blason déchu. Fort d’une justesse de tous les instants, Keaton se confond avec ce protagoniste, qu’il habite avec chair, intelligence et folie. Si le sosie américain de Julien Lepers brille autant, c’est aussi parce qu’il a pu s’appuyer sur des partenaires en or. Lesquels donnent un sens profond et de la matière à toutes ses interrogations. Emma Stone trouve ainsi son meilleur rôle dans la peau de sa fille inconditionnellement fidèle (et honnête), Zach Galifianakis épate en manager omniprésent, Edward Norton est irrésistible en acteur alcoolo-égocentré et Noami Watts étale ses ingérables névroses avec brio. Ces drôles d’oiseaux créent le décalage délicieusement nécessaire entre les ambitions sérieuses de Riggan et une réalité plus prosaïque, à laquelle il lui est difficile d’échapper.
Mondialement célébré pour ses films choraux dans lesquels il décortique la condition humaine (21 grammes, Babel, Amours Chiennes), Alejandro González Iñárritu opère là un vrai tournant dans sa carrière. Non content d’explorer un registre fantastico-comique, il a installé un dispositif de mise en scène inattendu, articulant la densité de son intrigue autour d’une série de plan-séquences de toute beauté, sans coupures. De quoi permettre au spectateur d’effectuer une balade vertigineusement limpide dans le vortex cérébral de son personnage principal. Sa grammaire cinématographique, impeccablement mise en valeur par la photo d’Emmanuel Lubezki, relève du tour de force. Hormis ses comédiens et son réalisateur, Birdman marque surtout les esprits grâce à ses multiples pistes réflexives, notamment sur la notion de célébrité. Façonné par notre monde 2.0. où la réussite se mesure à l’immédiateté (et au nombre de likes), Riggan Thomson pense, comme beaucoup, (re)trouver la gloire en deux temps trois mouvements. Mais au fil du récit, il devra assimiler la nature éphémère du succès et l’épuisement moral qu’implique sa recherche. Avec onirisme, Iñárritu tire donc à boulets rouges sur le star-system, ses illusions cancéreuses et ses égos pantagruéliques, tout en sculptant en creux une trajectoire transversale. Une alternative qu’on appellera… l’amour.
Mehdi Omaïs
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