Non, je ne suis ni l’avocat ni l’ami de Mélanie Laurent. Je suis un simple citoyen et cinéphage quelque peu outré par la violente mise au pilori dont la belle a été victime. Comme beaucoup d’entre vous, je suis tombé hier sur une vidéo compilant plusieurs interviews de l’actrice et réalisatrice. Des bribes qui, en bout-à-bout, dressent un portrait peu reluisant de son sujet. Celui d’une femme péteuse, hautaine, qui se la raconte comme personne. Seulement voilà, nul n’est censé ignorer la puissance dévastatrice du montage, cette science qui peut faire passer la bande annonce d’un film d’horreur pour une rom-com fleurie et revigorante.
Je trouve ce clip d’une méchanceté gratuite et symptomatique de notre époque du tout ou rien. Soit tu adores jusqu’à danser la carmagnole, soit tu détestes au point glavioter à la gueule d’un coupable facile. « Je suis curieuse de tout », nous raconte Laurent au tout début de la vidéo. Je le demande : en quoi l’ouverture sur le monde fait-elle d’une personne quelqu’un d’égocentrique ? Aurait-elle dû dire : « Je m’en fous de tout et je n’aime que mon petit nombril » ? Pardon hein, je m’interroge juste. Sinon, elle se dit « très créative », un qualificatif valorisant qu’on a souvent été conduit à utiliser un jour, ne serait-ce que lors d’un entretien d’embauche. Si la créativité devient un défaut, est-ce que la colère est une qualité ?
Alors oui, sa carrière a décollé après sa sublime interprétation de sœur endeuillée dans Je vais bien ne t’en fais pas. So what ? Les américains lui ont ouvert les bras, elle a tourné avec Quentin Tarantino. Elle était jeune. Ne peut-on pas lui pardonner quelques mots de joie mal exprimés ? Quelle jeune actrice française n’aurait pas fait un salto arrière en rejoignant un casting comme celui d’Inglourious Basterds ? Depuis ses débuts au cinéma, les rumeurs ont épinglé à outrance son manque de modestie – un peu comme Xavier Dolan, qui m’a confié récemment : « Les gens aiment avoir une vision extrêmement narcissique de moi, pédante, très tête à claques… La vérité, évidemment, c’est qu’ils ne me connaissent pas. Je suis en réalité quelqu’un d’assez timoré, qui doute beaucoup, comme la presque totalité des personnalités dont on aime à dire qu’elles sont monstrueuses, imbuvables, arrogantes… »
Merci Xavier… La meilleure chose serait donc, pour les adeptes de critiques infondées, de passer un peu de temps avec Mélanie Laurent. J’ai eu la chance de la rencontrer en avril 2012, sur le plateau d’Insaisissables, le long métrage de Louis Leterrier. Elle tournait la dernière séquence du film sur le Pont des Arts. Il faisait un froid de canard. Mélanie, très peu couverte ce jour-là, m’a marquée par une douceur et une disponibilité sur le plateau, que Mark Ruffalo, son partenaire à l’écran, n’a pas manqué de relever. Plus tard, elle m’a accueilli dans sa loge avec une rare simplicité. Chacun de ses propos était ponctué de grands éclats de rire. Elle se disait consciente que Je vais bien, ne t’en fais pas, pour lequel elle a eu un César, et Inglourious Basterds ont changé sa vie.
« C’est exceptionnel pour un acteur de rencontrer des personnes comme Philippe Lioret, Brad Pitt, Mike Mills ou Jacques Audiard. Je suis chanceuse », m’a-t-elle confié. Et quand je lui ai demandé comment elle vivait sa fulgurante ascension, elle a répondu avec un sourire d’enfant ravie : « Je compte en profiter, la vie est courte ». Voilà, voilà… Je ne la connais pas plus que ça. J’ai juste passé une grosse demi-journée avec l’équipe d’Insaisissables. Ce témoignage n’a donc pas valeur de plaidoyer mais je tenais toute de même à vous faire part de ma petite expérience. On m’avait fait la peinture d’un monstre d’égoïsme, je n’ai vu qu’une jeune femme épanouie, heureuse de faire son métier. Cocorico, quoi !
Mehdi Omaïs
La vidéo compromettante
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