De Kevin Kolsch et Dennis Widmyer avec Alessadra Essoe, Amanda Fuller et Noah Segan
Sarah Walker est élancée, belle, séduisante… Les clients du fast-food où elle taffe ne diront pas le contraire, eux qui lorgnent sans vergogne en direction de son popotin. Comme beaucoup de jeunes filles de Los Angeles, la brune épluche les castings, en écume certains, sans jamais trouver rôle à ses talons aiguilles. Déception oblige, elle s’arrache les cheveux (pour de vrai) en pleurant devant les photos en noir et blanc qui tapissent sa chambre. Des clichés de Marilyn Monroe, Rita Hayworth et autre Sophia Loren. En somme, une cartographie de son idéal de vie : obtenir un grand rôle, devenir une star immortalisée par des millions de flashs et ne plus jamais rêver sa vie en compagnie de ses amis sur la paille. Quand elle tombe sur une annonce concernant un film d’horreur, lequel se trouve produit par un magnat du genre sur le retour, Sarah s’inscrit dans une spirale infernale, qui n’est pas sans rappeler celle vécue par l’héroïne de Black Swan. Amis de l’écrivain Chuck Palahniuk (le papa de Fight Club), à qui ils ont dédié un documentaire, les cinéastes Kevin Kolsch et Dennis Widmyer s’attaquent ici de façon frontale au star-system. Cette grosse machine qui met, au quotidien, des tonnes de poudre aux yeux, surtout ceux des êtres fragiles. Comme l’héroïne de Starry Eyes, prête à tout, fellation scabreuse incluse, pour admirer son propre visage sur les affiches de cinéma. Ce bout de femme, d’une rare douceur, va se muer peu à peu (bravo aux maquilleurs) en créature maléfique, porte-voix ou symbole (au choix) des légions d’acteurs galériens, ballotés sans pitié ni respect d’un endroit à l’autre. Ce dézingage en règle prend ses racines sataniques dans un carrefour d’influences qui, aussi criantes soient-elles, n’en demeurent pas moins superbement digérées. Petit cousin du récent Maps to the Stars de David Cronenberg, dont le spectre parcourt la pellicule, Starry Eyes évoque aussi David Lynch (impossible ne pas penser à Mulholland Drive), Stanley Kubrick (Eyes wide shut) ou le travail d’Andrzej Zulawski dans Possession. Évidemment, ses références sont à prendre avec de grosses pincettes. Mais le duo de cinéastes les a assimilées au point de créer une grammaire visuelle aux balbutiements prometteurs. Leur long métrage envoûte autant qu’il déroute, proposant dans ses dédales de vraies réflexions sur notre société où chacun tuerait (presque) pour son quart d’heure de gloire. Espérons qu’un distributeur aura la bonne idée de s’en occuper en France !
Mehdi Omaïs
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