De Fabrice du Welz avec Laurent Lucas, Lola Dueñas et Stéphane Bissot
Après ce que l’on nommera un accident industriel (Colt 45), on se réjouissait à l’idée que Fabrice du Welz réinvestisse le cinéma de genre. Pour rappel, en 2004, le réalisateur belge effectuait une entrée fracassante dans les mémoires avec Calvaire, une œuvre cauchemardesque et plastiquement sidérante, portée par le saisissant Laurent Lucas. Une décennie passée, voilà que l’intéressé fait de nouveau appel à l’acteur pour les besoins d’Alleluia, présenté en mai dernier à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et inspiré de faits réels. Le comédien offre son physique anguleux et son charisme magnétique à Michel, un homme propre sur lui qui erre sur les sites de rencontres en ligne. Quand Gloria, employée sans histoire d’une morgue, tombe sur son profil, un rendez-vous éclot. Admirablement mis en scène, leur rencontre est filmée en séries de gros plans, de sorte que le spectateur palpe les souffles et les regards, comme chez un certain Abdellatif Kechiche. Les particules s’agitent, l’(al)chimie opère et bientôt, un amour infiltre leur âme. Surtout celle de Gloria, incarnée par l’excellente Lola Dueñas (remplaçante de Yolande Moreau), figure récurrente du cinéma almodovarien. Sa composition sied parfaitement au portrait de la folie ordinaire, celle qui peut atteindre les personnes les plus insoupçonnées. Privilégiant la pellicule et offrant ainsi à son labeur un grain qui rappelle beaucoup celui de Massacre à la tronçonneuse, un des piliers de son passeport de cinéphage, du Welz installe très vite et avec brio une atmosphère méphitique et délétère. De quoi lire la promesse d’une descente aux enfers viscérale et organique entre ces amoureux passionnés. La première moitié révolue, une désagréable impression de lassitude gagne du terrain et annule graduellement la montée de la violence (jalousie oblige !), rendue artificielle et mécanique. Sans jamais dépasser l’exercice de style, Alleluia ne va pas au bout de ses thématiques, préférant s’attarder sur les corps à coups de plans serrés aveuglants et illisibles. On aurait aimé être pris aux tripes, accompagner ce duo dans son délirium tremens et comprendre la folie qui le guette et/ou le gagne. Au lieu de ça, l’indifférence fait écran à l’écran. Dommage.
Mehdi Omaïs
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