Benicio Del Toro : « Je ne vois pas ce que j’aurais pu dire à Pablo Escobar » !

benicioLe redoutable Pablo Escobar hantera les salles obscures dès ce mercredi. Immortalisé par la caméra d’Andrea Di Stefano, le comédien Benicio del Toro prête ses traits à ce baron de la drogue dans Paradise Lost. De passage à Paris il y a quelques temps, les deux hommes ont évoqué le personnage et expliqué leurs intentions artistiques. LesCinévores.com était présent pour recueillir leurs témoignages. Morceaux choisis !   

 

Le travail de documentation sur Pablo Escobar

Andrea Di Stefano : « La première phase a été extrêmement simple, peut-être même trop. Il y avait en effet une abondance de matériaux disponibles. Rien qu’en tapant « Escobar » sur Internet, vous tombez sur un nombre impressionnant de vidéos et de choses déjà écrites. Tout est prêt et vous n’avez juste qu’à vous y plonger. Cela dit, il a fallu que j’aille un peu plus loin. Ce qui m’a paru vraiment précieux, c’était notamment les livres rédigés par des gens assez proches d’Escobar, comme les membres de sa famille. Et tout particulièrement L’autre Pablo, écrit par sa sœur. Il a été très inspirant au niveau de la marche à suivre et de l’angle par lequel je voulais aborder l’histoire. »

Paradise Lost : Photo Andrea Di StefanoL’idée que l’on se fait de Pablo Escobar

Benicio Del Toro : « L’image que l’on a de Pablo Escobar évolue forcément lorsqu’on l’incarne au cinéma. Comme tout le monde, je le connaissais en tant que trafiquant de drogue. S’il y a une dimension qui m’échappait complétement, et qui n’est abordée que dans quelques livres, c’est celle de l’homme privé, son rapport à la famille, celui qu’il était pour ses proches, la place privilégiée qu’il occupait dans la société colombienne. Tout cela m’était inconnu. Une fois que j’ai recollé les pièces du puzzle, j’ai compris l’aspect multidimensionnel du personnage. Il a fallu que je me concentre sur la période de sa vie qui nous intéressait pour le film. Il s’agissait de ne pas l’aborder avant 1983 mais de le suivre jusqu’à son entrée en prison, quand il contrôlait et manipulait encore tout. Puis, on s’est intéressé à sa chute et à sa mort mais on ne les a pas ajoutées dans le film. »

Le vrai Pablo Escobar

Benicio Del Toro : « Si je devais rencontrer Pablo Escobar, je choisirais le moment de sa vie où il était encore un gamin malin. Je voudrais l’attraper et lui dire : « T’as du talent, tu es doué donc fais autre chose. Ne touche pas à la drogue, sers-toi de tes atouts pour faire autre chose. » Là, ce serait une rencontre intéressante. Au-delà de cet âge, je ne vois pas quel intérêt il y aurait à rencontrer un homme de ce genre et je ne vois pas ce que je pourrais lui dire. »

Paradise Lost : Photo Benicio Del ToroUn personnage qui ne se salit jamais les mains

Benicio Del Toro : « Cet Escobar, on ne le voit pas se salir les mains. On ne trouve jamais ses empreintes sur l’arme du crime même si c’est lui qui commandite tout. Il faut aussi noter que l’on suit Pablo à la période de sa vie où il a tout réussi et où il est un homme qui n’a plus besoin de mettre les mains dans le cambouis. Il est en retrait et se contente de déléguer à ses sbires. De ce fait, il y a des scènes dans le film où on le voit au summum de sa cruauté, où il n’a aucune pitié. »

La frontière entre bien et mal 

Andrea Di Stefano : « Pour moi, tout l’enjeu de ce projet consistait à réussir à placer chacun de mes personnages au sein d’un conflit très moral. Et surtout, que le spectateur n’échappe pas non plus à cette question du positionnement moral, qu’il ait de quoi juger et qu’il tombe dans le panneau de ce Pablo Escobar. Comme son entourage d’ailleurs, parce que c’était un homme extrêmement complexe. Il avait des côtés très séduisants et je voulais que le public se sente également attiré par l’écran, qu’il soit tenté par Escobar avant que sa face sombre ne soit révélée et l’emporte sur tout le reste. Le spectateur devait pouvoir se retrouver au sein de cette tension, face à ce criminel psychotique. »

La part de fiction dans le film

Paradise Lost : Photo Andrea Di StefanoAndrea Di Stefano : « Le projet est entré dans mon imaginaire à partir du moment où l’on m’a raconté une histoire. Celle d’un Italien qui voyageait en Colombie et qui s’est retrouvé dans les filets d’Escobar. Il s’est pris pour son ami, il s’est mis à aller chez lui, à fréquenter ses fêtes, à vraiment entrer dans son giron jusqu’au jour où ce dernier lui a confié une mission dont il s’est acquitté. Et là, Escobar a voulu le tuer pour que le secret lié à cette mission ne soit jamais divulgué et qu’il en soit le seul détenteur. C’est la dimension du personnage qui m’a mis la puce à l’oreille. Elle m’a inspirée. C’est un criminel qui veut tout maitriser au point de ne pas supporter que quelqu’un partage ses connaissances sur les crimes qu’il organise. »

Lieux de tournage

Andrea Di Stefano : « On a envisagé de filmer en Amérique centrale et en Amérique latine, mais pour des raisons artistiques on a finalement tout tourné au Panama. Ce qui nous arrangeait beaucoup puisqu’on y a trouvé la maison de Pablo Escobar. »

Propos recueillis et traduits de l’anglais par Wyzman Rajaona