Chaque vendredi, , nous fera (re)découvrir des chansons qui se sont tatouées à jamais sur la surface de la pellicule.
Uma Thurman qui file à toute allure dans sa décapotable, le regard à la fois déterminé et rêveur. Le vent souffle très fort, les images sont volontairement vaporeuses, en noir et blanc, et le décor laisse augurer de grands espaces désertiques. Nous sommes en 2004 et les premières notes de Goodnight Moon résonnent au moment du générique du deuxième volet de Kill Bill. Lequel se révèle beaucoup moins sanglant et plus contemplatif que la première joute. D’où le choix de cette tendre musique de western signée d’un groupe américain quasi inconnu au bataillon, Shivaree, au nom de scène pour le moins paradoxal, puisque ses chansons semblent plutôt à l’opposé d’un charivari, des cocons dans lesquels se blottir confortablement, en oubliant la violence du monde extérieur.
On connait la mélomanie compulsive de Quentin Tarantino, toujours prêt à dénicher les meilleures pépites à la hauteur de son ambition démesurée de réalisateur. Avec Goonight Moon, il a probablement trouvé son joyau le plus brut, un slow ultime et imparable. Chaque écoute de cette chanson nous emmène invariablement sur les traces de la mariée et de sa croisade à la fois meurtrière et jouissive. On retrouve dans les paroles le même parfum de mystère et de violence latente qui entoure le film, une histoire de « requins dans la piscine », de flingue comme doudou, de « sorcières dans les arbres », de corbeaux et de monstres cachés sous le lit.
C’est sans doute cette sinuosité et cette langueur qui ont séduit Tarantino pour coller à la personnalité ombrageuse de la mariée. Rien à voir avec le conte pour enfants du même nom (Bonsoir Lune), imaginé par Margaret Wise Brown, dans lequel un bébé lapin tient à souhaiter bonne nuit à tous les objets de sa chambre douillette. A moins que ce ne soit une parabole de l’animalité des êtres humains, qu’on retrouve à foison dans le diptyque Kill Bill.
Notez que l’utilisation de la chanson s’est révélée à double tranchant –sans mauvais jeu de mots– pour Ambrosia Parsley et ses musiciens puisque le film leur a permis de décrocher un véritable tube, 5 ans après sa sortie confidentielle, et a aussi tué leur carrière. Le groupe a en effet sorti laborieusement deux autres albums, dont un disque de reprises diverses et variées en 2007, avant de se dissoudre dans le silence le plus total. Ambrosia Parsley s’est lancée en solo en 2015 avec Weeping Cherry mais rien ne supplantera jamais le velours venimeux de Goodnight Moon, sans doute l’une des berceuses les plus dangereuses jamais composées. Le genre de chansons dont on ne peut pas se lasser. Tout simplement une tuerie.
Boris Tampigny
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